Le 22 octobre 2024
Volume 42, Numéro 8
Opinion

Mourir pour la patrie

Mourir pour la patrie? Non merci sans façon. D'abord mourir, comment s'engager dans quelque chose d'aussi radical et permanent sans en connaître au préalable les tenants et aboutissants. Et ensuite la patrie, laquelle? Un peuple têtu qui refuse l'assimilation n'est pas une patrie. Une patrie, ça va de l'individu le plus sympathique jusqu'au mal appris le plus détestable. Laisser sa vie pour tout ce beau monde? Pas pour moi.

Des milliers de jeunes gens sont tous les jours confrontés à cette question. Plusieurs répondent par l'affirmatif et risquent leur vie pour leur pays. En Ukraine, exemple évident, mais aussi au Canada au sein des forces armées. Des jeunes hommes entre 20 et 35 ans, voilà ce qui nourrit les conflits armées depuis que le monde est monde. Étant justement dans la clientèle cible et après avoir vécu le conflit en Ukraine par procuration depuis les deux dernières années, j'ai la conviction jusqu'au tréfonds d'être anti-militariste tout terrain en toutes circonstances. Un vivant sera toujours plus utile qu'un glorieux et courageux soldat décédé, au risque d'en offusquer plusieurs.

Pour citer Vian, la guerre, je ne veux pas la faire; je ne suis pas sur terre pour tuer des braves gens.

Voilà ceci dit, lorsqu'on apprend qu'un soldat a perdu la vie, ce n'est pas moi. Ce n'aurait pas pu être moi. Des gens aux valeurs différentes ayant fait des choix différents des miens, pour dire les choses d'une façon aussi neutre que possible.

Mais mourir en faisant de l'aide humanitaire, voilà un projectile qui va directement au cœur.

Le 3 avril dernier, Jacob Flickinger, originaire de Saint-Georges de Beauce est décédé à Gaza après qu'une frappe aérienne israélienne ait visé, par erreur, un convoi humanitaire de World Central Kitchen. Jacob Flickinger était un ancien militaire. Forcément il s'était confronté à cette question de mourir pour la patrie.

Je ne connais pas ses aspirations, et c'est bien ainsi. Force est toutefois de constater que cet ancien des Forces armées canadiennes n'est pas mort pour sa patrie. Pour contribuer à soulager la misère dans un conflit terrible oui, pour contribuer à améliorer le sort de ses semblables, certainement. Pour aider tout simplement.

La contribution de tous les travailleurs humanitaires, sociaux et bénévoles de tout acabit est également importante, j'en ai la ferme conviction. De savoir qu'une armée régulière ait pu viser un convoi humanitaire, même par erreur, me fait profondément mal à l'âme.  

Que ce soit à Gaza en période de conflit ou dans un sous-sol d'église le dimanche matin, l'engagement social est ce qui adoucit les moments difficiles, ce qui maintien notre tissu social et garde notre humanité. Tuer un travailleur humanitaire est comme tuer tous les bénévoles. Et je connais beaucoup trop de gens extraordinaire qui consacrent leur temps au bien de leur communauté pour rester de marbre.

Le 3 avril, ce fut Jacob Flickinger, mais cela aurait pu être quelqu'un d'autre, dans d'autres lieux et d'autres circonstances. Je pense que mes valeurs ne m'auraient pas emmener sur un champ de bataille pour y recevoir des balles, mais j'ose croire que celles-ci auraient pu m'emmener sous certaines circonstances à faire de l'aide humanitaire dans des zones de conflits.

N'oublions pas Jacob.