Une partie de poker
Au lac, comme on appelait simplement notre chalet familial en Mauricie, les vieux aimaient jouer au poker, pratiquement du matin au soir.
Beau temps, mauvais temps, il y avait toujours un des frères de mon grand-père pour inviter les autres à démarrer une partie sur la galerie devant la vieille roulotte à quelques pas du lac Lambert. On ne risquait pas grand-chose, quelques vingt-cinq sous tout au plus. Ce n'est pas autour de cette table que des fortunes se sont faites. Et pour les vieux joueurs de poker de ma famille, ce n'est pas non plus au travail que les fortunes se sont faites. On naît pauvre et on meurt de la même façon, avec quelques pacotilles en plus.
Non, les parties de cartes étaient une excuse pour se retrouver en famille, en clan, et parce que les vieux ne savaient pas de quoi se parler, on s'en tenait au poker. Pour le petit garçon que j'étais, c'était des personnages quasi légendaires. Mon grand-père me racontait leurs méfaits commis durant leur enfance dans les années 40 et j'étais fasciné de penser que ces messieurs retraités étaient les mêmes qui couraient par les rangs et les boisés du village sept décennies plus tôt.
Ce que j'ai appris de ces journées d'été assis près de la table de poker, c'est que souvent notre main n'est pas très bonne, mais ce n'est pas grave si on joue seulement pour le plaisir.
Deux générations plus tard, la partie de poker se poursuit. Difficile de bluffer et puisque nous sommes entre nous, je vais révéler ce que j'ai dans ma main. Un set de trois cartes de 2.
Inflation-changements climatiques-crise du logement.
C'est difficile à battre, même deux rois n'y arrivent pas, encore moins deux premiers ministres.
J'en reviens à la leçon des vieux Lambert. Si le but de la partie est de gagner, évidemment c'est ennuyant. Mais en vivant pour le plaisir, il y a moyen de s'en sortir sans trop de mal.
Longtemps j'ai ressenti une certaine frustration à l'idée qu'il était peu probable que j'obtienne des conditions de travail aussi bonnes que celle de la génération de mes parents. Puis au fur et à la mesure que mon revenu a augmenté, j'ai compris que les bien matériels ne me rendraient jamais heureux. Dans chaque famille, nos aînés nous rappellent à quel point ils étaient heureux dans leur jeunesse avec pratiquement rien. Il faudra apprendre à nous passer de plusieurs choses volontairement avant que la réalité économique nous y oblige… Voilà ma solution personnelle pour l'inflation, la simplicité volontaire.
Bien qu'elle ne soit pas aussi vieille que les vieux Lambert du lac du même nom, ma mère sait aussi faire preuve de sagesse à l'occasion et elle m'a appris à choisir mes batailles. Depuis, j'essaie de mettre mes énergies sur des problèmes que j'ai une chance de régler. Ce n'est pas aujourd'hui que je m'aventurai à écrire sur les chemins climatiques et la crise du logement!
Nouvelle formule
Alors que nous débutons un énième automne ensemble à La Vie d'ici, j'aimerais vous proposer une nouvelle formule à l'occasion. Ainsi, j'ajouterais parfois les idées, témoignages et interventions d'experts que je connais dans mon réseau. Si vous avez des thématiques que vous aimeriez voir aborder, n'hésitez pas à communiquer avec moi directement ou avec le contact général du journal.