Le 7 octobre 2024
Volume 42, Numéro 7
Les deux mains sur le volant
Portrait

Les deux mains sur le volant

Rassurez-vous il ne s'agit pas d'un politicien même si le titre pourrait vous faire penser à un personnage bien connu qui a déjà prononcé cette phrase si célèbre.

J'ai plutôt rencontré une personne qui a les deux mains sur le volant de son camion, Pierre Martel.

Pierre Martel demeure à Shipshaw, son métier chauffeur de camion.

J'avoue bien humblement que je ne n'y connais rien en mécanique automobile et encore moins en mécanique des camions. Ce dont je me souviens c'est que mon père adorait conduire les camions.  Lorsque nous circulions sur les routes, il mentionnait souvent: «lui c'est un bon chauffeur de camion».  J'ai compris plus tard en conduisant un véhicule ce que cela voulait dire. Lorsque je pense aux camions, je pense à une chanson de WellieLamothe intitulée "Mille après Mille" et la phrase qui me revient le plus souvent c'est "je m'ennuie".

Curieuse d'en apprendre un peu plus sur ce métier, ayant entendu parler de la longue expérience de Pierre Martel, je l'ai rencontré afin qu'il me parle de sa passion pour ce métier de conducteur de camion. 

A l'âge de 14 ans Pierre a commencé à conduire son premier camion. Il a obtenu son permis à l'âge de 15 ans. Déjà très jeune, il adorait conduire les camions. Il a tenté l'expérience de travailler dans une entreprise privée. Il se sentait prisonnier; cette liberté de pouvoir conduire un camion lui manquait, il a alors décidé d'en faire un métier.

Depuis plus de 60 ans, Pierre conduit des camions; il en a conduit de toutes les sortes, de toutes les grosseurs avec un permis de conduire classe 1. Durant plusieurs années il a été propriétaire de son entreprise.  C'est une lourde responsabilité car il faut assumer tous les risques financiers que cela comporte.  Il faut prévoir le coûts des assurances, aller chercher les contrats, il faut apprendre à vivre avec l'insécurité.

Depuis plusieurs années, Pierre travaille pour d'autres entreprises.  Il a tout de même conservé un très beau souvenir de cette époque.

Pierre en a transporté du bois sur toutes les routes du Québec.  Il a parcouru des milliers de kilomètres, à Lebel sur Quévillon, en Abitibi, en Alberta, Au Yukon, en Colombie-Britannique un endroit qu'il beaucoup aimé, sur les routes du Saguenay Lac Saint-Jean et ailleurs.  Toutes ces petites routes cachées, celles qui sont hors des sentiers battus, il les a apprivoisées.

Conduire des camions exige certaines qualités:il faut de la patience, être capable de prévoir les incidents, avoir de bons réflexes. Il faut respecter les exigences de la sécurité routière, faire l'inspection minutieuse de son camion avant chaque départ, reconnaître le moindre son défectueux. Il faut surtout anticiper les réactions des autres conducteurs» car un camion ça ne s'arrête pas sur un dix cent». Il faut être le chef d'orchestre et le musicien de la route.

C'est un métier qui a aussi ses contraintes. Une des plus grandes contraintes est l'éloignement.  Ce métier exige de quitter la maison pour de plus longues périodes. Cela demande de l'organisation et de la planification pour toute la famille surtout lorsqu'il y a de jeunes enfants à la maison.

Aujourd'hui à 76 ans, ce sont des camions planétaires que Pierre conduit.  Avant d'aller le rencontrer j'ai quand même utiliser mon moteur de recherches; j'avoue encore une fois que je n'y connaissais pas grand-chose. Histoire de faire bonne figure il fallait que je me renseigne. Je n'étais pas sur la même planète.

Un camion planétaire peut transporter jusqu'à 110 mètres cubes de bois avec une charge utile de 150 tonnes. La charge utile correspond au volume de chargement maximum que ce type de camion peut transporter, c'est le poids total autorisé en charge. C'est un dix-huit roues qui circule dans les chemins forestiers contrairement aux camions 10 roues que l'on rencontre sur les routes et que Pierre a déjà conduits et qu'il pourrait encore conduire.   Heureusement vous ne risquez pas de rencontrer ce genre de camion sur les routes.

Pierre aime conduire ces mastodontes et ça ne lui fait pas peur. Au besoin, selon les contrats, il parcourt entre 300 et 400 kilomètres par jour sur des chemins forestiers au Lac-Saint-Jean.

Lorsque je lui ai demandé quelle sorte de camion il aimait le plus conduire, il m'a répondu que c'était la marque Kenworth; j'ai lui ai mentionné que je trouvais cela très intéressant.  Par la suite, au fil de la conversation, j'ai compris que c'était une marque de camion. J'avais encore beaucoup de chemin à faire pour tout comprendre ce langage du camionnage; on dirait que c'est un monde parallèle. 

Le mot qui est revenu le plus souvent lors de nos discussions c'est le mot liberté, cette impression d'avoir un plein contrôle sur son métier. Pour certaines personnes, malgré les accidents de parcours, cela ne les empêchera pas de poursuivre leur passion. Il est certain que Pierre en a vécus quelques-uns durant toutes ces années. Une image vaut mille mots et j'ai saisi dans le regard de Pierre que la retraite ce n'est pas pour toute de suite.

A la fin de notre entretien c'est le mot liberté qui m'est revenu plutôt que le mot ennui.

Si vous cherchez Pierre, vous le trouverez dans ces temps libres dans son garage à réparer son campeur motorisé, pour vivre cet été une nouvelle aventure, les deux mains sur le volant.